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Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, défiscalisation des heures supp', CSG : la loi est publiée au Journal officiel

Présentée en Conseil des ministres le 19 décembre 2018, la loi qui concrétise les mesures en faveur du pouvoir d’achat annoncées par Emmanuel Macron en réponse à la crise des « Gilets jaunes » a été examinée et publiée en quelques jours. Votée par l’Assemblée nationale et le Sénat les 20 et 21 décembre, la loi « portant mesures d’urgence économiques et sociales » est au Journal officiel du 26 décembre. C’est donc maintenant en toute connaissance de cause que les employeurs qui le souhaitent peuvent se lancer dans la mise en place de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Pas d’obligation légale. - Les employeurs n’ont aucune obligation de mettre en place la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.

Exonération jusqu’à 1 000 €. - La prime exceptionnelle sera exonérée, dans la limite de 1 000 € (loi art. 1-II et IV) :

-d’impôt sur le revenu ;

-de toutes les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle (cotisations sociales, CSG/CRDS, AGIRC-ARRCO, assurance chômage, etc.) ;

-et de la participation à l’effort de construction, de la taxe d’apprentissage (y inclus contribution supplémentaire), des contributions à la formation professionnelle.

La prime sera également exonérée de taxe sur les salaires pour les employeurs concernés, en raison de l’alignement d’assiette avec la base CSG/CRDS.

Le cas échéant, la partie de la prime attribuée excédant 1 000 € serait assujettie dans les conditions habituelles.

L’exonération ne peut concerner que des salariés (y compris les salariés des établissements publics industriels et commerciaux). Elle ne peut pas jouer pour une prime qui serait attribuée à un dirigeant sans contrat de travail, même affilié au régime général de la sécurité sociale, ni aux stagiaires.

Salariés ouvrant droit aux exonérations. - Cette exonération ne peut s’appliquer qu’aux primes versées aux salariés dont la rémunération 2018 est inférieure à 3 fois le SMIC annuel, calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail (loi art. 1-II).

Selon nos informations, il faut retenir comme seuil de rémunération : 3 × valeur mensuelle du SMIC 2018 × 12 (ou 3 × 1 820 × SMIC horaire). Autrement dit, seuls les salariés dont la rémunération 2018 est inférieure à 53 944,80 € bruts ouvriront droit aux exonérations. Si on ramène ce montant en net mensuel (en utilisant par simplification un taux de charges salariales type), ce montant est en cohérence avec la valeur de 3 600 € par mois évoqué en Conseil des ministres et que les pouvoirs publics ont utilisé dans leur communication sur le dispositif.

Autre condition à remplir : l’exonération bénéficierait aux seuls salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 (ou à la date de versement de la prime si elle est antérieure), ce qui exclut donc les salariés embauchés après ces dates. Via amendement, la condition de « lien par un contrat de travail » a remplacé la condition de présence initialement prévue dans le projet de loi, laquelle pouvait conduire à exclure des personnes dont le contrat de travail était suspendu (congé de maternité, arrêt maladie, etc.).

On notera que le texte voté ne contient plus les règles de prorata du SMIC qui figuraient dans l’avant-projet, par renvoi aux dispositions de la réduction générale de cotisations patronales (ex-réduction Fillon).

Date de versement. - La prime devra être versée entre le 11 décembre 2018 et au plus tard le 31 mars 2019 (loi art. 1-II, 3°).

En dehors de ces bornes, il n’y aura pas d’exonération.

Attribution de la prime. - L’employeur peut décider d’attribuer la prime à l’ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond (loi art. 1-I).

Le projet de loi n’apporte pas de précision sur ce plafond d’attribution ni quant à ses modalités d’appréciation (base mensuelle, base annuelle, autre).

En tout état de cause, selon nos informations, cette disposition permettrait à l’employeur de limiter le champ des bénéficiaires de la prime, en fixant un salaire plafond inférieur aux 3 SMIC qui conditionnent les exonérations. Il serait par exemple possible de n’attribuer la prime qu’aux salariés payés à moins de 1,5 SMIC annuel ou moins de 2 SMIC annuels.

La prime resterait exonérée à hauteur de 1 000 €.

Montant de la prime et modulation. – La loi n’encadre pas le montant de la prime, qui est libre.

Son montant est déterminé soit par l’employeur en cas de mise en place par décision unilatérale, soit par le texte de l’accord à l’origine de la mise en place de la prime (loi art. 1-III). Dans tous les cas, les exonérations ne s’appliquent que dans la limite de 1 000 €.

Le montant de la prime peut être modulé en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification, la durée de travail pour les salariés à temps partiel ou la durée de présence effective pendant l’année 2018. À cet égard, la loi assimile à des périodes de présence effective « les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail » (congés de maternité, de paternité et d’adoption, congé parental d’éducation, jours enfant malade du code du travail, congé de présence parentale notamment) (loi art. 1-II, 2°).

En pratique, le critère de la rémunération peut par exemple permettre d’attribuer une prime supérieure aux salariés en deçà d’un certain niveau de rémunération.

Modalités de mise en place. - La prime exceptionnelle peut être mise en place de deux manières (loi art. 1-III) :

-soit par décision unilatérale de l’employeur prise au plus tard le 31 janvier 2019 : dans ce cas, l’employeur devra en informer les représentants du personnel de sa décision au plus tard le 31 mars 2019 (on notera que la loi parle d’information, et non de consultation) ;

-soit par accord d’entreprise ou de groupe selon les modalités prévues pour les accords d’intéressement (accord collectif classique, accord avec les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, accord au sein du comité d’entreprise ou du comité social et économique ou projet d’accord ratifié par les 2/3 du personnel).

L’accord ou la décision unilatérale fixe le montant de la prime ainsi que, le cas échéant, le plafond limitant le champ des bénéficiaires et la modulation de son montant.

Le texte ne prévoit aucune priorité de l’accord d’entreprise sur la décision unilatérale. L’employeur qui souhaiterait agir rapidement pourrait donc passer par la voie unilatérale, même en présence de représentants syndicaux ou du personnel dans l’entreprise, ce jusqu’au 31 janvier 2019. Passée cette date, il faudrait nécessairement un accord.

Dispositif anti effet d’aubaine. - Afin de s’assurer que cette prime correspond à une rémunération supplémentaire, la prime ne peut en aucun cas se substituer à des augmentations de rémunération ou à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l’entreprise, ni se substituer à des éléments de rémunération (loi art. 1-II, 4°).

Bulletin de paye. - Même si la prime est exonérée de l’ensemble des cotisations et contributions et d’impôt sur le revenu (si inférieure ou égale à 1 000 €), il faut à notre sens la faire figurer sur le bulletin de salaire. Celui-ci doit en effet comporter le montant des versements s’ajoutant aux sommes soumises à cotisations (c. trav. art. R. 3243-1, 8°, b).

Réduction de cotisations salariales et défiscalisation des heures supplémentaires

Mesure avancée au 1er janvier 2019. – La loi accélère la mise en œuvre de la réduction de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, les heures complémentaires et les jours travaillés au-delà de 218 jours par an par les « forfaits jours » prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (c. séc. soc. art. L. 241-17 nouveau). Attendue à l’origine pour le 1er septembre 2019, la mesure s’appliquera aux heures réalisées dès le 1er janvier 2019 (loi art. 2-III).

La réduction de cotisation couvrira les cotisations salariales d’assurance vieillesse et de retraite complémentaire, mais pas la CSG ni la CRDS, et sera applicable à la rémunération de l’heure supplémentaire ou complémentaire, ainsi qu’à la majoration de salaire qui y est attachée (voir http://rfpaye.grouperf.com/depeches/42648.html).

Mise en place d’une exonération d’impôt. - Par ailleurs, en plus de cette réduction de cotisations salariales, les rémunérations en cause seront aussi exonérées d’impôt sur le revenu, dans une limite annuelle de 5 000 € (loi art. 2-I et II).

Signalons que les heures supplémentaires ou complémentaires qui auraient remplacé d’autres éléments de rémunération (comme par exemple une prime) sur les 12 derniers mois ne pourraient pas bénéficier de ces exonérations.

Rétablissement de la CSG à 6,6 % pour certains retraités

Depuis 2018, la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité est de 8,3 % (au lieu de 6,6 %), sauf pour les personnes concernées à avoir des revenus suffisamment modestes pour bénéficier d’une exonération de CSG/CRDS ou d’un taux de CSG réduit de 3,80 %. Cette hausse de 1,7 point n’a pas été compensée par une autre baisse de cotisations.

La loi crée une catégorie « intermédiaire » de retraités, avec une CSG calculée à l’ancien taux 6,6 % à partir du 1er janvier 2019. En pratique, elle sera mise en œuvre à partir du versement des revenus intervenant en mai 2019, avec à cette occasion la régularisation des périodes écoulées depuis janvier 2019 (loi art. 3-III et V).

La loi définit les seuils de revenu fiscal de référence qui gouvernent l’application de ce taux de 6,60 %. Sans rentrer dans les détails, on signalera à titre d’exemple, qu’en métropole, un retraité vivant seul sera concerné en 2019 si son revenu fiscal de référence N - 2 (2017) est supérieur à 14 548 € et inférieur à 22 580 € (pour un couple sans autre personne à charge, plus de 22 316 € et moins de 34 836 €).

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, cette mesure concernerait environ 3,8 millions de foyers de retraités.

Prime d’activité : les employeurs ne sont pas concernés

La loi fait état de la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité au 1er janvier 2019 (loi art. 4), sans entrer dans le détail de la mesure puisqu’elle relève d’un décret (décret 2018-1197 du 21 décembre 2018, JO du 22).

L’exposé des motifs du projet de loi indique toutefois que, afin d’atteindre la hausse de 100 € des rémunérations au niveau du SMIC annoncée par le Président de la République, le bonus individuel de la prime d’activité sera augmenté de 90 euros au niveau du SMIC, complétant la revalorisation du SMIC au 1er janvier 2019.

Pour ce qui est des entreprises, les employeurs retiendront qu’ils ne seront pas impliqués dans ce dispositif. La prime d’activité est en effet une prestation versée mensuellement par les caisses d’allocations familiales (CAF) ou les caisses de la mutualité sociale agricole (CMSA). Elle est destinée à compléter les revenus des travailleurs modestes, qu’ils soient salariés ou non salariés (c. séc. soc. art. L 841-1). Dans tous les cas, le dispositif envisagé ne concernera pas uniquement les rémunérations égales au SMIC et il sera tenu compte des revenus et de la composition du foyer (ex. : enfants à charge).

Pour finir, on signalera que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dont bénéficieraient certains salariés (voir plus haut) sera exclue des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité (loi art. 1-IV).

Loi 2018-1213 du 24 décembre 2018, JO du 26 http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2018-2019/233.html

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