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Fiscal

Organismes sans but lucratif

La doctrine sur les relations privilégiées et la lucrativité est confirmée

Un organisme sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui respecte les critères des « 4 P » peut être qualifié de lucratif dès lors qu’il entretient des relations dites privilégiées avec des entreprises du secteur lucratif. Ce critère est validé par le Conseil d’État.

Recours pour excès de pouvoir contre la doctrine dite « des relations privilégiées »

Selon l’article 206, I du CGI définissant le champ d’application de l’impôt sur les sociétés (IS), toutes les personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif sont assujetties à cet impôt.

Pour la doctrine de l’administration, un organisme sans but lucratif est en principe soumis à l’IS et aux autres impôts commerciaux s’il entretient des relations privilégiées avec des organismes du secteur lucratif qui en retirent un avantage concurrentiel, étant précisé que tout organisme qui exerce des activités au profit d’entreprises n’entretient pas pour autant systématiquement des relations privilégiées avec les entreprises (BOFiP-IS-CHAMP-10-50-10-30-§ 10-12/09/2012).

Est donc lucratif un organisme qui permet de manière directe aux professionnels de réaliser une économie de dépenses, un surcroît de recettes ou de bénéficier de meilleures conditions de fonctionnement, quand bien même cet organisme ne rechercherait pas de profits pour lui-même (BOFiP-IS-CHAMP-10-50-10-30-§ 30-12/09/2012).

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir sur cette doctrine par une fédération de syndicats, le Conseil d’État décide que les commentaires attaqués se bornent à réitérer, sans y ajouter, la règle qui découle de dispositions législatives (l’article 206, 1 du CGI précité notamment) dans leur version applicable tant à la date de publication des commentaires administratifs qu’à la date de la lecture de sa décision. La fédération requérante n’est donc pas fondée à soutenir que ces commentaires seraient entachés d’incompétence depuis leur publication ou qu’ils le seraient devenus du fait de modifications législatives ultérieures.

Évolution de la législation concernant les syndicats professionnels et leurs unions.

Pour la Haute Assemblée, les commentaires administratifs précités se bornent à rappeler le principe de l’assujettissement à l’IS et aux autres impôts commerciaux des organismes par eux-mêmes sans but lucratif qui entretiennent des relations privilégiées avec des organismes du secteur lucratif qui en retirent un avantage concurrentiel. Ceux-ci ne prennent explicitement position, ni par l’énoncé d’une règle générale, ni au travers de l’un des exemples qu’ils donnent, sur la situation au regard de l’IS des syndicats professionnels et des unions de tels syndicats.

Par suite, la fédération requérante n’est pas fondée à soutenir que ces commentaires énonceraient une règle de soumission à l’IS des syndicats professionnels et de leurs unions qui serait, du fait de la suppression de l’exonération des syndicats professionnels et leurs unions pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, devenue contraire aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques et à la liberté syndicale.

Rappelons que les exonérations spécifiques d’IS et de CFE prévues en faveur des syndicats professionnels ont été supprimées pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020 par la loi de finances pour 2019 (loi 2018-1317 du 28 décembre 2018, art. 141). Cette suppression concerne les exonérations des syndicats professionnels et leurs unions pour leurs activités portant sur l’étude et la défense des droits et des intérêts collectifs matériels ou moraux de leurs membres ou des personnes qu’ils représentent et à condition qu’ils fonctionnent conformément aux dispositions qui les régissent (CGI art. 207, 1°bis et 1461, 7°). Ainsi, les syndicats sont soumis au régime général applicable aux organismes sans but lucratif (voir « Guide des associations », Groupe Revue Fiduciaire, 13e éd. 2019).

Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Précisons enfin que le Conseil d'État refuse de transmettre au Conseil Constitutionnel, comme dépourvue de caractère sérieux, une QPC portant sur l'article 206, 1 du CGI au motif que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence en se bornant à prévoir l'assujettissement à l'IS des personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif sans préciser suffisamment le champ des personnes ainsi visées.

CE 13 novembre 2019, n° 433632

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