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Vie des affaires

Responsabilité professionnelle

Les devoirs de l'architecte chargé de déposer un permis de construire

L’architecte ne peut pas se contenter de conseiller à ses clients d’effectuer une étude du sol avant de construire. Ce simple conseil n’écartera pas sa responsabilité si des fissures apparaissent. Le bureau d’études et l’entreprise de gros œuvre risquent, eux aussi, une condamnation.

Construction défectueuse

Un couple confie à un architecte, la mission de réaliser le dossier de permis de construire d’une maison et de rédiger les documents de consultation des entreprises. En outre, une entreprise intervient en qualité de bureau d'étude béton au stade de la conception.

Après obtention du permis de construire, le couple confie le chantier à une entreprise de gros oeuvre.

Alors que les travaux sont achevés, des fissures apparaissent en façade et le couple assigne l’architecte, le bureau d’études et l’entreprise de gros oeuvre.

En cours de procédure, le couple vend la maison en l'état, laquelle est détruite par l'acquéreur.

Responsabilité de l’architecte

Conseil donné par l’architecte. - Saisie de cette affaire, la cour d’appel de Montpellier retient que l’architecte s'était vu confier la mission d'établir les avants-projets, ainsi que les dossiers de permis de construire et de consultation des entreprises.

La Cour note que l’architecte avait conseillé au couple de faire réaliser une étude de sol. En effet, celle-ci était expressément mentionnée dans les documents préparés par lui. Cette étude aurait permis d'éviter le sinistre.

En conséquence, les juges montpelliérains mettent hors de cause l’architecte.

Conseil insuffisant pour écarter la responsabilité de l’architecte. - La Cour de cassation rappelle que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère » (c. civ. art. 1792).

La Cour ajoute que l’auteur d'un projet architectural, et chargé d'établir les documents du permis de construire, doit proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol (cass. civ., 3e ch., 21 novembre 2019, n° 16-23.509).

En conséquence, la Cour retient que les fissures en façade, provoquées par l'absence de prise en compte des contraintes du sol, sont imputables à l'architecte. Elle censure la décision des juges montpelliérains.

Responsabilité du bureau d’études

Avertissement donné aux clients par le bureau d’études. – La cour d’appel de Montpellier a également écarté la responsabilité du bureau d’études. La cour a, en effet, considéré que l’entreprise avait, certes, réalisé les plans de structures du dossier de consultation des entreprises mais qu’elle avait également averti le couple de la nécessité de dimensionner les fondations après réalisation d'une étude de sol.

Avertissement sans incidence sur la responsabilité du bureau d’études. – La Cour de cassation rappelle qu’il appartenait au bureau d’études, dont la responsabilité de plein droit était engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil (cité plus haut), de démontrer la cause étrangère, exonératoire de responsabilité.

Le bureau d’études n’ayant pas démontré cette cause étrangère, il ne pouvait donc pas être mis hors de cause.

Responsabilité de l’entreprise de gros oeuvre

Condamnation limitée de l’entreprise de gros oeuvre. – La cour d’appel a condamné l’entreprise de gros œuvre à réparer le préjudice subi par le couple. Elle a toutefois limité cette condamnation à 174 000 € en estimant que le couple avait délibérément accepté les risques de cette construction puisque :

- il avait été informé par l'architecte de la nécessité de faire procéder à une étude de sol, nécessité rappelée par le bureau d'études sur ses plans portant la mention « sous réserve de l'étude de sol » ;

- le mari disposait des connaissances élémentaires de mécanique des sols et de résistance des matériaux pour comprendre aisément le danger d'effondrement inhérent à un bâtiment mal ancré dans le sol, de sorte qu'il était conscient des conséquences fâcheuses susceptibles de découler de l'absence d'une telle étude.

Troisième censure de la Cour de cassation. – Ici encore, la décision des juges montpelliérains est censurée, la Cour de cassation leur reprochant de ne pas avoir expliqué en quoi le couple aurait été parfaitement mis en garde et informés des risques encourus à défaut de suivre le conseil donné de réaliser une étude de sol.

Cass. civ., 3e ch., 15 février 2024, n° 22-23682