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Encadrement du niveau des loyers en zone tendues : retour expérimental avec la Loi ELAN

Après l’annulation des arrêtés préfectoraux d’encadrement du niveau des loyers à Paris et à Lille, la loi ELAN, adoptée définitivement le 16 octobre 2018, réintroduit ce dispositif à titre expérimental. Distinct du mécanisme d’encadrement de l’évolution des loyers, il peut se combiner avec celui-ci en cas de relocation.

Conclusion du contrat de location et encadrement du niveau des loyers :

Première tentative échouée à Paris et à Lille :

Dans les zones tendues (zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement), la loi ALUR (loi 2014-366 du 24 mars 2014, art. 6) a prévu de plafonner le niveau des loyers des locations à usage d’habitation et à usage mixte, nues et meublées (loi 89-642 du 6 juillet 1989, art. 17 et 17-2 issus de la loi ALUR).

À partir des données produites par les observatoires des loyers dont doivent être dotées ces zones, le préfet fixe chaque année par arrêté :

-un loyer de référence (égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques), exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique ;

-un loyer de référence majoré (égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence) ; - et un loyer de référence minoré (égal au loyer de référence minoré de 30 %).

Lors de la mise en location des logements situés dans les zones où s'applique l'arrêté, le loyer au mètre carré ne peut pas excéder le loyer de référence majoré de 20 % correspondant aux caractéristiques du logement. Si le loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature du contrat, le locataire peut contester son loyer judiciairement.

Alors que la loi ALUR prévoyait l’application du dispositif à l’ensemble des communes en zones tendues, seuls Paris pour les contrats conclus entre le 1er août 2015 et le 28 novembre 2017, et Lille, pour les contrats conclus entre le 1er février 2017 et le 17 octobre 2017, ont pris des arrêtés préfectoraux d’encadrement du niveau des loyers.

Mais ces arrêtés ont été annulés par le juge administratif au motif que le dispositif ne pouvait pas se limiter à une seule commune. Les loyers de référence auraient dû concerner toute l’agglomération parisienne et lilloise (y compris la banlieue) (TA Lille 17 octobre 2017, n°1610304 ; TA Paris 28 novembre 2017, n°1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 ; CAA Paris 26 juin 2018, n°s 17PA03805, 17PA03808, 18PA00339, 18PA00340).

Faute d’arrêté, la fixation du loyer des logements mis en location demeure libre, sous réserve du respect du dispositif d’encadrement de l’évolution des loyers lors d’un changement de locataire (voir ci-après).

Retour expérimental à compter de la publication de la loi ELAN :

La loi ELAN (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) adoptée définitivement le 16 octobre 2018 (dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi le 23 octobre 2018) réintroduit, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans à compter de la publication de la loi, un dispositif d’encadrement du niveau des loyers par arrêté préfectoral.

Dans les zones tendues, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d’Aix-Marseille-Provence peuvent demander qu’un dispositif d’encadrement des loyers soit mis en place.

Pour pallier aux critiques du juge administratif lors de la prise des arrêtés pour Paris et Lille, un décret devra déterminer le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s’applique le dispositif, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ;

2° Un niveau de loyer médian élevé ;

3° Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les 5 dernières années, faible ;

4° Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l’habitat et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci.

Pour chaque territoire ainsi délimité, le représentant de l’État dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique.

Le loyer de référence majoré est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence.

Le loyer de référence minoré est égal au loyer de référence diminué de 30 %.

Un complément de loyer peut être appliqué au loyer pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés au contrat de bail. Dans les logements loués meublés, le complément de prix tient compte des équipements et services associés.

Le contrat de location précise le loyer de référence et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logements.

Lorsque le préfet constate qu’un contrat de bail ne respecte pas le dispositif, il peut mettre en demeure le bailleur, dans un délai de 2 mois, de mettre le contrat en conformité et de procéder à la restitution des loyers trop-perçus. Si cette mise en demeure reste infructueuse, le préfet peut prononcer une amende à l’encontre du bailleur, dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

Nouvelle location : combiner le dispositif d’encadrement du niveau des loyers avec le dispositif d’encadrement de l’évolution des loyers :

Dans les zones tendues, il existe une autre forme de limitation des loyers, celle de l’encadrement de l’évolution des loyers à la relocation (loi 89-642 du 6 juillet 1989, art. 18 issu de la loi ALUR).

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, fixe annuellement le montant d’évolution maximum des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés (pour la période du 1er août 2018 au 31 juillet 2019 ; Décret 2018-549 du 28 juin 2018).

Dans ces communes, lorsqu’un logement vacant fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut pas excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. Si aucune révision de loyer n’est intervenue au cours des 12 mois précédant la conclusion du nouveau contrat de location, le bailleur peut l'augmenter en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) (dernier indice publié à la date de signature du nouveau contrat de location).

Toutefois, ne sont pas concernés par ce plafonnement :

-les logements vacants faisant l’objet d’une première location ;

-les logements vacants non loués pendant plus de 18 mois ;

-les logements dans lesquels le propriétaire a effectué dans les 6 mois du départ de l’ancien locataire des travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer.

Lorsqu’un arrêté préfectoral aura été pris pour l’encadrement du niveau des loyers fixant un loyer de référence, le loyer du logement reloué devra être fixé dans une double limite (Décret 2017-1198 du 27 juillet 2017, art. 9) :

-en fonction du loyer appliqué à l’ancien locataire dans les conditions fixées par le décret pour l'évolution des loyers ;

-et dans la limite des valeurs fixées par l’arrêté préfectoral (plafonnement du niveau des loyers).

En effet, la révision ou la réévaluation du loyer ne peut pas excéder le loyer de référence majoré.

Exemple :

Soit un bien loué à usage d’habitation pour un loyer hors charges de 2 300 € par mois. À la suite du départ du locataire le 9 mai 2018, le logement est reloué le 10 novembre 2018, sans réalisation de travaux par le propriétaire. Aucune révision n’étant intervenue au cours des 12 mois précédant la conclusion du nouveau contrat de location, le loyer appliqué au nouveau locataire est révisé en fonction de la variation de l’indice de référence des loyers. La date de référence à prendre en compte pour cette révision est celle du dernier indice publié à la date de signature du nouveau contrat.

Loyer révisé = 2300 x IRL publié au 10 novembre 2018/IRL au 10 novembre 2017

2300 x 128,45/126,46 = 2 336,19 €

Hypothèse 1 : ce loyer est plus élevé que le loyer de référence majoré (2 000 €), il faut alors retenir le loyer de référence majoré.

Hypothèse 2 : ce loyer est moins élevé que le loyer de référence majoré (2 350 €), c'est ce loyer qui sera retenu.

Loi ELAN adoptée le 16 octobre 2018

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