Social
Maladie
Maladie pendant les congés payés : la Commission européenne épingle la France faute de report des jours de congés perdus
Dans le cadre d'une procédure d'infraction, la commission européenne reproche à la France un manquement aux règles européennes sur le temps de travail. Elle estime que nos règles ne garantissent pas aux salariés qui tombent malades pendant leur congé annuel la possibilité de récupérer les jours de congé qui ont coïncidé avec leur maladie. La France a deux mois pour répondre.
En France, un salarié qui tombe malade pendant ses congés ne peut pas reporter les jours de congé perdus
Lorsqu'un salarié tombe malade pendant ses congés, quel régime s'applique en France ?
Peut-il prendre ultérieurement le congé dont il n'a pas bénéficié du fait de son arrêt de travail, ou la période de maladie est-elle incluse dans les congés ?
À l’heure actuelle, notre code du travail ne donne aucune précision sur le régime à appliquer.
Il faut donc se reporter à la jurisprudence de la Cour de cassation. En l’état, lorsqu'un arrêt de travail débute durant une période de prise de congés, le salarié relève du régime des congés, ceux-ci étant la cause initiale de la suspension du contrat de travail. Le salarié perçoit donc :
-l’indemnité de congés payés sans défalquer les indemnités journalières de la sécurité sociale, mais l'employeur n’a pas à lui assurer un maintien de salaire (cass. soc. 2 mars 1989, n° 86-42426, BC V n° 173) ;
-et les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), sans subrogation, s’il a accompli les formalités requises (envoi d’un arrêt de travail, etc.).
Sauf dispositions conventionnelles ou usage plus avantageux, le salarié ne peut donc pas exiger de prendre ultérieurement le congé qui s’est confondu avec son arrêt (cass. soc. 4 décembre 1996, n° 93-44907, BC V n° 420).
Notons que cette position de la Cour de cassation est relativement ancienne et en total décalage avec la jurisprudence européenne qui a déjà jugé que lorsqu’un salarié tombe malade alors qu’il est déjà en congés payés, il a droit à un report des jours de congés dont il n’a pas pu bénéficier du fait de son arrêt de maladie dans la limite du congé annuel minimal de quatre semaines (CJUE 21 juin 2012, aff. C-78/11). Elle s’en explique par le fait que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au salarié de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs.
Mise en demeure par la Commission européenne de se mettre en conformité avec le droit européen
Le 18 juin, dans le cadre d’une procédure d’infraction, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l'Union européenne sur le temps de travail (directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003).
La Commission estime que la législation française ne garantit pas que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie.
Elle considère que la législation française n'est donc pas conforme à la directive sur le temps de travail et ne garantit pas la santé et la sécurité des travailleurs.
La France dispose d’un délai de deux mois pour répondre à cette lettre de mise en demeure et remédier aux manquements relevés par la Commission.
En l'absence de réponse jugée satisfaisante, la Commission pourrait décider d'émettre un avis motivé, puis, en l’absence de conformité, porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Quel est le rôle de la procédure d’infraction ? |
---|
La procédure d'infraction vise à faire respecter le droit européen par les États membres de l'Union européenne. Elle est déclenchée par la Commission européenne lorsqu'elle constate qu'un pays membre ne respecte pas ou applique incorrectement les législations ou traités européens. La procédure se déroule en plusieurs étapes : mise en demeure informelle à l'État concerné détaillant les violations présumées et demandant une réponse, puis éventuellement adresser avis motivé et en ultime recours porter l’affaire devant la CJUE. |
Des avancées ont déjà eu lieu en France
La cour d’appel de Versailles est déjà allée dans le sens dans la jurisprudence européenne en jugeant que si le salarié a eu un arrêt maladie durant ses congés, il peut prétendre au report des jours de congés payés correspondant aux jours d’arrêt maladie (CA Versailles 18 mai 2022, RG n° 19/03230).
En outre, La loi DDADUE du 22 avril 2024 a permis un report des congés payés acquis dans le cas d’un arrêt de travail pour maladie ou accident qui empêche le salarié de les prendre au cours de leur période « normale » de prise (loi 2024-364 du 22 avril 2024, art. 37, JO du 23 ; c. trav. art. L. 3141-19-1). Quand bien même le cas d’un arrêt maladie intervenant pendant les congés payés n’a pas été prévu par cette loi, son contenu dénote une avancée notable qui pourrait conduire à élargir le champ de ses dispositions à ce cas précis.
Commission européenne, lettre de mise en demeure du 18 juin 2025 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/inf_25_1241